Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Chasseurs des Mascareignes

Ce blog souhaite faire partager les souvenirs de chasse. L'expérience de la chasse ne laisse jamais indifférent. Qu'elle soulève l'enthousiasme ou l'hostilité, elle reste INTENSE. Certainement, parce que cette expérience renvoie au plus profond de la relation mystique entre l'Homme, la Nature, la Vie et la Mort.

Du côté de Chamarel...

Chers amis,

Le levée de l'isolement aérien mauricien est une véritable libération pour tous ceux qui sont un trait d'union, familial ou affinitaire, entre nos 2 Îles des Mascareignes. Après presque deux années d'exil (sanitaire), je foule du pied et en famille cette terre qui m'a tant manqué. Je repense aux paroles de Johnny Halliday dans la fameuse chanson L'envie d'avoir envie : "Donnez-moi l'exil pour que j'aime ma terre...". Je comprend mieux désormais ceux qui attendent des années le droit de se sentir chez eux, où qu'ils soient...

Un mot sur l'organisation sanitaire mauricienne car comme partout le COVID a changé notre façon de vivre, et de voyager. À l’aéroport de Plaisance, certes, on attend un peu mais les choses sont assez bien organisées. Ne nous plaignons pas trop, on peut voyager, autant s’adapter. L’émotion fait le reste…

Par contre, il faut aimer les test PCR et antigéniques (1 avant le départ, 1 à l'arrivée pour lequel vous êtes informés qu'en cas d'infection, 1 antigénique 5 jours après l'arrivée, 1 avant le vol de retour et 1 à l'arrivée à Gillot [un test salivaire celui-ci]). Tout ceci fait dire à ma fille, Sanjana, non sans une certaine fierté juvénile: "je suis la seule de la famille à avoir fait tous les types de test" (en effet, à Maurice pour les enfants c'est un test de gorge....).

Quelques jours après mon arrivée, je retrouve mon acolyte, Julien Desvaux de Marigny au Domaine de Grande Rivière Noire. Quel plaisir de retrouver également la fine équipe de ce chassé. C’est avec joie que je foule ce terrain et renoue avec Julien! L’émotion qui m’a étreint en posant le pied à Maurice ne s’était pas éteinte heureusement!

Depuis La Réunion, il m’a annoncé vouloir me faire découvrir de nouveaux territoires cynégétiques! Avec les travaux dûs au métro aérien, j'ai pris mes précautions en terme de circulation routière. Toutefois, pour une chasse d’après-midi l’heure tourne. La course du soleil n’est pas notre alliée… Julien m’embarque dans son 4x4 avec notre arsenal. Il me fera tirer avec une Sauer .270win montée d’une lunette Leica! Une vingtaine de kilomètres plus loin, je me retrouve dans la région de Chamarel près de la distillerie éponyme et du fameux site de la "terre des sept couleurs". Très rapidement, nous prenons une bouteille d’eau et nous repérons 2 troupeaux de cerfs en plaine.

La topographie, en ces lieux, n’est pas sans rappeler celle de La Réunion et le temps couvert et frais celui de nos mi-pentes. À proximité, on peut distinguer le sommet de Maurice, le Piton de Petite Rivière Noire qui culmine à 828 m. Tout de suite, nous sentons la beauté des lieux et la mise en valeur soignée du domaine. Peu importe, le temps est couvert et les nuages menacent. Nous commençons notre traque vers 16h10.

Julien me confie la carabine et je l’épaule pour me familiariser avec la Leica, par ailleurs excellente! 2 cartouches sont dans le chargeur. Pour les connaisseurs, ce dont des RWS H-Mantel. Tuer est un art qui requiert des instruments délicats !

Nos premiers pas nous mènent vers «la plaine letchis» (franchement, je vois des manguiers mais pas un pied de letchis en vue). Puis, à force de progression nous arrivons au mirador de la plaine St-Denis. Me revient le souvenir de mes conversation avec ma mère, certains Mauriciens francophones sont restés royalistes par nostalgie de La France (et du coup assez peu anglophiles...). Or, ce saint est le protecteur de la dynastie capétienne. Les rois de France étaient enterrés à la Basilique de St-Denis (à Paris et non à La Réunion évidemment…). Peut-être y-a-t-il un lien? Les Anglais, éternels rivaux des Français, ont quant à eux Saint-George comme saint tutélaire. Nous y faisons une pause tactique de près d’une demi-heure. Il y a des bruits dans un bosquet et Julien depuis plusieurs dizaines de minutes me soutient que «ça sent le cerf». En vain, nous attendons. Nous ne voyons pas la trace de la queue d’un faon. Faons dont nous entendons par ailleurs les petits cris!

Nous levons le camp tranquillement et nous passons le haut d’un vallon. Nous voyons plus d’une centaine de cerfs tranquillement s’éloigner vers une plaine dégagée. Julien m’explique que l’absence de vent fait que les animaux ne peuvent sentir leur environnement. Ils se dirigent alors vers un espace dégagé pour mieux voir venir d’éventuels prédateurs!

Cette fois, la traque prend un tournant plus difficile. Il faut approcher les cerfs en terrain découvert. Or, dans l’organisation spontanée d’un troupeau il y a toujours des sentinelles aux aguêts! Qu’une biche se mette à glapir et adieu la chasse…

Nous passons par un champ de citronniers, à juste titre nommé "la plaine  limon". Quelques instants de linguistique voulez-vous, en créole mauricien "citron" se dit «limon», ainsi un jus de citron est nommé «jus-limon». C’est une transposition du mot anglais «lemon», qui lui même vient du vieux français «limone» (comme limonade) qui veut dire...« citron ». Bref, en sémantique comme à la chasse on tourne en rond…

Revenons à notre approche, nous profitons de ces bois dans lesquels se trouvent des limoniers sauvages. Nous contournons une colline et surprenons un troupeau pourtant aux aguêts à une soixantaine de mètres. Tout de suite, nous sommes en position. Une jeune biche est identifiée, mais le regroupement interdit tout tir. La balle traverserait 2 ou 3 animaux! Une autre jeune biche se détache du groupe. Je change de cible, la Leica est parfaite et la croix/point rouge est posée sur le creux de l’épaule à hauteur du cœur. Le moment est propice, j’appuie sur la détente et le tir part. La jeune bambinette accuse le coup et s’effondre quelques metres plus loin. Sa vie s’est arrêtée après avoir croisée la trajectoire de ma balle. Le ciel prend son souffle et la terre son sang, le tribut de la Mort est payé. 

Le groupe de cerfs se sépare en deux. L’un reste en arrière surpris pendant que l’autre s’enfuit sans panique. Je demande à Julien de me donner une cartouche pour remplacer celle tirée. Il refuse en souriant en me disant «ta balle sera du [concentre-toi] ». Bizarre, je ne la connais pas cette marque! Elle doit être de fabrication maison celle-là. Julien, en fait, s’est mis dans la tête de me faire un doublé en approche. C’est donc avec un chargeur rempli d’une seule balle restante que je dois finir la chasse.  Dans la foulée, il identifie cette fois une vieille biche à tuer.

En effet, après le tir le bruit de la détonation, les biches inquietes se sont mis à lever la tête et à surveiller les alentours. Nous sommes cachés par un gros palmier en plein milieu d’une plaine. À droite et à gauche des cerfs nous observent mais ont du mal à nous identifier. Tout va se jouer en quelques secondes. À 80m, une vieille biche de face le coup tendu nous regarde. Julien me donne l’instruction de placer la balle de face dans son plastron blanc. Pas le temps d’avoir des états d’âme. Je confirme bien avec mon guide qu’il s’agit de cet animal précisément. Je n’ai droit qu’à une chance.

Une fois cette confirmation obtenue, tout se joue en dixième de seconde. La balle est lâchée et touche l’animal de face. Cette fois, le troupeau a bien la confirmation que des prédateurs sont sur leurs traces. Il détale sans demander le reste. L’émotion nous étreint, nous venons de renouer, après deux ans d’absence, avec ce lien et cette communion de la vie et de la mort qui est au cœur de la chasse. Julien et moi exaltons. Julien me félicite pour ce doublé, et surtout pour des tirs propres et simples qui respectent le gibier. À mes yeux, il reste un précepteur exceptionnel et incomparable. Je lui dois ces succès.

La camaraderie la plus humaine est le ciment de ces émotions et ça fait beaucoup de bien après cet exil sanitaire forcé!

Les gardes-chasse de la propriété, qui de leur guérite, avaient vu notre approche viennent à notre rencontre. Évidemment ils connaissent très bien notre Julien local. Qui ne le connaît pas, soit dit au passage…

Pendant que la séance photo commence et que je préviens le monde entier de mes exploits, Julien doit remonter la propriété pour récupérer le 4x4. Pendant ce temps les gardes-chasse s’occupent des 2 animaux qui iront vers la préparation de la venaison. Je discute avec l’un d’entre eux, un certain Darmanain. Il me fait une grande impression, celle d’un homme dur à la tâche, sérieux et fidèle à la terre de chasse où il travaille. La chasse est une passion pour tous et pas uniquement les chasseurs. Sans des hommes comme eux, des hommes comme nous ne pourrions chasser.

Le soir tombe lentement, et en moi-même je me remémore les moments forts de ce premier «stalking» mauricien.

De retour au pavillon de chasse, (à Maurice on dit « un campement de chasse »), je suis accueilli par le maître des lieux. Il me reçoit avec de forts belles manières qui ne sont pas sans rappeler celles de La France de l'ancien temps (et des petits fours salés et sucrés, une merveille surtout après 2h30 de traque en forêt) .

Nous devisons agréablement sur nos 2 îles respectives pendant Julien s'amuse beaucoup de sa blague sur la "munition concentre-toi"...

Quant à moi, cette chasse de Chamarel m’a permis de renouer avec cette communion Homme/Nature qui caractérise tant la chasse et le chasseur.

Bref, tout le monde est satisfait dans cette histoire!!!

Au moment où nous nous éloignons je me retourne pour garder en mémoire les paysages de ce territoire majestueux et je vois en contrejour ce garde-chasse loyal et lui-aussi altier! Il reste fidèle à sa terre pendant que les autres passent…

L’image me restera!

Gérard Canabady

Ze Webmaster

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :